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LES PRIX DES PRODUCTEURS, PRIS DANS LE MARCHÉ INTERNATIONAL

3 AVRIL 2018, HUEHUETENANGO, GUATEMALA

Nous avons publié au mois de février un questionnaire dans lequel vous pouviez poser des questions aux producteurs. Beaucoup d’entre vous se sont posés des questions autour des prix d’achat du café : « Combien êtes-vous rémunéré ?», « Comment commercialisez-vous votre production ?», « Quel est le prix de vente au kg de vos grains de café ? Quelles sont les marges des importateurs et exportateurs ?».

 

Cela nous a motivé à écrire cet article afin de vous expliquer un peu plus le contexte économique international dans lequel s’inscrit la filière café ! Cet article s’appuie sur les lectures que nous avons effectuées et notre expérience de terrain au Guatemala. 

 

Principe de fixation des prix du café 

Les facteurs et acteurs qui influençant les prix 

Les avantages et inconvénients du marché selon notre vision 

Les alternatives au marché libéralisé 

 

 

Comment est fixé les prix du café sur le marché international ? 

Le café est la culture qui représente les interdépendances mondiales par excellence : il est produit exclusivement au « Sud » mais se consomme essentiellement au « Nord ».

 

   Les pays industrialisés consomment environ 86 % du café produit dans le monde en          2010. (ICO, 2011) 

 

De manière générale, le prix du café est essentiellement régi par la loi de l’offre et de la demande.  Plus la production est élevée, plus les prix seront bas et vis-versa.  

 

Il existe deux principaux types de cafés : l'arabica et le robusta. Ces deux cafés sont considérés comme des matières premières et sont donc cotés en bourse. Le robusta est coté à la bourse de Londres et l’arabica à la bourse de New York Board of Trade (Lipchitz et Pouch, 2007). Bien qu’il y ait deux systèmes, les prix internationaux de ces deux variétés sont interdépendants. Si le prix de l’une diminue, il y a de fortes chances que celui de l’autre suit la même tendance.

 

 

Qui influencent les prix du café sur le marché international ? 

De manière générale, ces dernières décennies, la demande mondiale en café augmente constamment alors que l’offre fluctue de manière imprevisible. (Lipchitz et Pouch, 2007).

 

 

Les acteurs qui influencent les prix sont donc d’abord ceux qui influencent l’offre en café. Aujourd’hui, les principaux pays exportateurs de café sont le Brésil, le Vietnam et la Colombie avec respectivement 160, 100 et 68 Millions de kg de café exporté en 2017. (ICO, 2017) Une variation de la production nationale de ces pays modifie donc considérablement la production mondiale et par conséquent influence le prix. 

Par ailleurs, les professionnels des bourses ont un grand rôle dans la détermination des prix du café puisque c’est dans les bourses qu’ont lieu les transactions sur le café. Ensuite, les grandes multinationales comme Neumann, Volcafe, EKOM, Kraft ou encore Nestle peuvent influencer les prix de ce produit. En effet, elles représentaient 55% de la négoce en 2014 et Nestle, Kraft et Sara Lee représentaient 40% de la torréfaction du café la même année. (ICO, 2014) 

 

 

Comment les prix fluctuent ? 

Tout simplement car le café est une matière agricole et comme toute matière agricole, sa production est variable d’une année à l’autre selon le climat. Ainsi, la production alterne entre bonnes et mauvaises récoltes. 

L’offre varie mais la demande en café demeure constante (Lipchitz et Pouch, 2007). Ainsi, si on reprend la loi de l’offre et la demande, lorsque la production mondiale est importante comme cette année, les prix diminuent.  

Comme nous l’avons dit précédemment, les professionnels de la bourse ont aussi un rôle dans la fixation des prix et dans ses fluctuations. Par exemple, les traders spéculent sur les matières premières et font ainsi varier leurs prix. La spéculation est l’activité consistant à tirer profit par anticipation de l’évolution des prix du café. Dans la vision libérale, cette activité a pour objectif de réguler les prix et de stabiliser le marché. Si les prix chutent ou augmentent fortement, la spéculation permettrait de la faire revenir à un niveau normal.

 

 

 

D’après nous, quels sont les avantages et inconvénients du marché international ? 

 

Les producteurs ont tous accès au marché 

D’abord, le marché mondialisé permet à toutes les productrices et tous les producteurs d’accéder à un marché afin de vendre leur production. De plus, il permet théoriquement de corréler l’offre et la demande afin d’éviter des surproduction ou sous-production mais cela se vérifie rarement en pratique. 

 

La concurrence sur le marché internationale est injuste 

 “La production mondiale est estimée à 159.66 Millions de sacs en 2017/18, 1,2% plus élevé que 2016/17, en résulte un surplus de 0,78 millions de sacs.» (ICO, Mars 2018). Par conséquent, cette année, le prix du café Arabica est particulièrement bas. Et les prix de vente peuvent parfois être en dessous du cout de production, comme le cas du Guatemala cette année :  

   Année 2018 : Une production à perte pour les producteurs du Guatemala  

   Pour produire 100 livres de café : Coûts de production = 120$ / Prix de vente = 100$

Comment cela est-il possible ? 

Car comme nous l’avons dit un peu plus haut, ce sont les plus gros pays producteurs qui influencent les prix. Par conséquent, si, comme cette année, la production de café est élevée au Brésil, les prix seront bas quelques soit le niveau de production au Guatemala.Les petits pays producteurs comme le Guatemala ont donc très peu d’influence sur les prix du café et sont donc fragilisés avec un tel système.

 

De plus, chaque pays a un contexte de production et donc des coûts de productions différents. En effet, les pays comme le Brésil, la Colombie ou le Vietnam peuvent intensifier leur production et la mécaniser afin de diminuer les coûts de production. Cela est difficile à mettre en place dans des pays comme le Guatemala où la production s’effectue sur des pentes abruptes. Par ailleurs, d’autres facteurs expliquent les différences de coûts de production comme les politiques agricoles nationales qui encouragent ou non la production de café ou bien encore les lois sur le travail (exemple : salaire minimum) différentes d’un pays à l’autre. 

Enfin, le Guatemala fournit un café de haute qualité issu d’une agriculture familiale qui ne devrait pas être en concurrence avec des cafés de moins bonne qualité produit dans d’autre pays de manière industrialisé à plus faible coût de production. 

 

 

Bodega (lieu du stockage du café) d'Export Café à Huehuetenango, Guatemala, 03.04.18

    “Guatemala como es tan pequeñito, no influye a nivel mondial en nada la bolsa, no                influye porque produce calidad y no produce cantidad.” (Trad: Le Guatemala est si                petit, qu'il n'influence en rien le prix mondial du sac de café. Il n'a pas d'influence car il        produit de la qualité et non de la quantité.) 

 

Eddy McDonald, acheteur de café pour Export  Café (filiale de la multinationale EKOM), premier exportateur de café du Guatemala. 

 

Les petits producteurs sont dépendants au marché mondial 

Enfin, comme il existe qu’un marché mondialisé, les petits producteurs sont dépendants de ce système et n’ont souvent pas d’alternatives de commercialisation. Depuis que nous sommes au Guatemala, il est très fréquent que les travailleurs de la filière nous parlent de ce problème. Malgré leurs efforts pour trouver d’autres voix de commercialisation et accéder à des prix plus justes, ils n’ont souvent pas d’autres alternatives que de le vendre aux prix du marché international. 

 

 

Les pays consommateurs ont plus d’influence que les pays producteurs

A l’échelle mondiale, ce système masque quelques inégalités. Les sphères d’influence se situent majoritairement dans les pays du nord. Par conséquent, les prix fixés et les politiques économiques internationales sur le café sont à l’avantage des entreprises de l’aval et du consommateur ou alors des plus gros pays producteurs de café. 

 

                  Remarque : 

Pourquoi les producteurs continuent à produire du café au Guatemala s’ils sont déficitaires ? Malgré les crises, les producteurs de café maintiennent leurs caféiers car ils remplissent de multiples fonctions comme source de revenu et d’emploi. De plus,il s’agit d’une production qui est complètement intégré à la culture du pays. De plus, les producteurs ont souvent accès au crédit bancaire via la coopérative ou la banque rurale qui permet aux ménages de payer les coûts de production lors des mauvaises années. Mais cela les rend aussi toujours plus dépendants à un système qui cherche la production de produits aux plus bas prix. Il est tout de même à noter que dans la région de Huehuetenango (Guatemala), de plus en plus de familles commencent à immigrer aux Etats-Unis pour chercher de nouvelles sources de revenus.

La critique que nous faisons est une critique du principe de base du libéralisme dans les échanges mondiaux. Selon ce principe, la libre concurrence permettrait d’atteindre l’équilibre sur les marchés grâce à une autorégulation des agents économiques. Cependant, en prenant en considération le rapport de force entre les différents acteurs, cet objectif nous semble inatteignable. En effet, Il nous parait plus juste de considérer le coût de production des producteurs pour fixer le prix sur le marché international et de ne pas mettre en concurrence des pays se situant dans des contextes de production différents.

 

Quelles sont les alternatives au marché mondialisé ? 

Il existe beaucoup d’alternatives qui émergent mais nous allons vous en présenter trois dans cet article : les certifications, la valorisation de la qualité de son produit et la vente de sa production sur les marchés à termes.

 

Certifier sa production, notamment commerce équitable permet aux producteurs d’obtenir une valeur ajoutée à leur production et d’éviter la volatilité des prix du café. « Le commerce équitable est présenté comme une alternative plus juste au commerce international » (Sabourin, 2012, p182). Dans la vision de ce mouvement : 

 

    « Le commerce peut être un moteur fondamental de la réduction de la pauvreté et            d’un développement durable plus important, mais seulement s’il est géré dans ce           but, avec plus d’équité et de transparence qu’il ne l’est actuellement » (World Fair         Trade organisation, 2009, p5).

 

Cependant, il existe des limites à ce système de certifications.  La demande en produit équitable est plus faible que la production certifiée ce qui diminue l’impact positif sur le revenu des producteurs. (Nous effectuerons prochainement un article exclusivement dédié aux commerces équitables). 

 

Améliorer la qualité du produit, le transformer mais aussi le vendre au marché local ou directement à l’importateur permet d’accéder à des revenus plus intéressants pour les producteurs et d'être indépendants de la fluctuation des prix du marché international. Cependant, ces alternatives demandent des connaissances et un bon réseau pour accéder à de tels marchés, ce qui est plus difficile pour les petits producteurs de café. (Lipchitz et Pouch, 2007)

 

Enfin, vendre sa production dans les marchés à termes est aussi une alternative intéressante mais très peu utilisée dans le secteur du café, moins de 10% des exportations. (Politique, 2008) Une petite explication des marchés à termes s’impose. Dans un marché classique, une personne achète un bien à un vendeur et la transaction se fait immédiatement. Dans les marchés à termes, c’est un peu différent. L’individus s’engage à acheter un bien qu’il recevra plus tard. La transaction, cependant reste immédiate. « En clair, c'est comme si un consommateur s'engageait à acheter une baguette de pain à son boulanger au prix d'un euro dans 3 mois. » Ces marchés sont pratiques pour les agriculteurs car ces derniers peuvent donc trouver des acheteurs avant que la récolte soit finie et éviter les futures fluctuations des prix.(Politique, 2008)

 

 

Nous espérons que cet article vous a permis de mieux appréhender le contexte international dans lequel véhicule votre café. Il nous parait important de se rendre compte de cela car chaque acte de consommation est un acte politique qui subventionne un système plutôt qu’un autre. Commencer à se renseigner sur l’origine des produits et de la manière dont ils ont été produits est un premier pas primordial. 

 

Si vous avez des questions et/ou des remarques sur cette article, n’hésitez pas à nous les poser sur notre messagerie Facebook ou bien en commentaire. D’ici-là, à bientôt ! 

 

 

Références

 

DUBOIS, Pablo. Organisation Internationale du café 1963 à 2013. 2013 

 

ICO, Coffee market report, 2018 Disponible sur http://www.ico.org/ 

 

ICO. http://www.ico.org/. 2017 Disponible sur http://www.ico.org/prices/m1-exports.pdf (19mars 2018) 

 

ICO. http://www.ico.org/. 2014

 

ICO, http://www.ico.org/. 2011

 

LIPCHITZ, Anna; POUCH, Thierry. Les mutations des marches mondiaux du café et du cacao. Géoéconomie, 2007, numéro 44

 

Politique.http://www.politique.net. Disponible sur  http://www.politique.net/2008020302-qu-est-ce-qu-un-marche-a-terme.htm(19 mars 2018) 

 

Sabourin, Eric. Organisations et sociétés paysannes. Editions Quae. 2012 

 

World Fair Trade Organization. Charte des principes du commerce équitable. Disponible sur https://wfto.com/sites/default/files/Charter-of-Fair-Trade-Principles-Final%20(FR).PDF. 2009

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